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DIX AMÉLIORATIONS POUR UN SYSTÈME DE TRANSPORT PERFORMANT ET DURABLE EN BELGIQUE (NOVEMBRE 2009)
Actuellement, le réseau routier belge est loin d’être optimal. Divers problèmes – encombrements, pollution de l’air, accidents de circulation... – risquent de devenir de plus en plus difficiles à maîtriser. Il faudra pour cela une approche à la fois réfléchie et volontaire. Les solutions existent : bon nombre d’entre elles sont d’ailleurs à portée de main. Elles nous viennent des meilleures pratiques de l’étranger et de la recherche scientifique.Actuellement, le réseau routier belge est loin
d’être optimal. Divers problèmes
–
encombrements, pollution de l’air, accidents de
circulation...
– risquent de devenir de plus en plus difficiles à
maîtriser. Il faudra pour cela une approche à la
fois
réfléchie et volontaire. Les solutions existent :
bon
nombre d’entre elles sont d’ailleurs à
portée
de main. Elles nous viennent des meilleures pratiques de
l’étranger et de la recherche scientifique.
FEBIAC et Touring ont donc demandé à Chris
Tampère
et Ben Immers, de la KU Leuven, ainsi qu’à Steven
Logghe,
de Be-Mobile, de se pencher sur une dizaine d’aspects
problématiques de notre système de transport, et
de
proposer des améliorations favorables à la
fluidité de la circulation, à la
fiabilité des
temps de déplacement, à la consommation de
carburant et
la réduction des émissions. Nous
résumons
ci-dessous quelques possibilités qui peuvent contribuer
à
la mise en place d’un système de transport
performant et
durable dans notre pays. L’étude
complète est
disponible sur http://www.febiac.be/public/pressreleases.aspx?ID=686&FR
Thème
1. Structure du
réseau routier
Aux heures de pointe, les
autoroutes approchent de plus en plus
de la saturation. Cela se traduit par de longues files aux abords des
grandes villes, le matin, le soir et parfois à
d’autres
moments. Cette situation résulte d’une politique
qui
donnait la priorité au réseau autoroutier dans le
trafic
régional. Résultat :
les autoroutes subissent toute la pression. La longueur des
embouteillages y a augmenté de 50% en 10 ans. Un
état de
fait qui rend la circulation très vulnérable. La
moindre
perturbation suffit pour déclencher un encombrement.
Les chercheurs proposent de suivre l’exemple des pays voisins
:
modifier la structure de notre réseau routier afin que les
déplacements régionaux les plus courts
n’empruntent
plus les autoroutes, mais un réseau propre. À cet
effet,
il faudra améliorer le réseau régional
pour
qu’il puisse fonctionner en tant que système
distinct,
cohérent, parallèlement au réseau
autoroutier.
Cette approche présente d’importants avantages :
- Les autoroutes
bénéficient d’une option de
repli (bypass) ; la fiabilité de la circulation dans
l’ensemble du réseau s’en trouve
considérablement renforcée. En cas
d’incident sur
une autoroute, on peut dévier temporairement le trafic vers
le
réseau régional.
- La capacité
totale du dispositif augmente ; cela permettra
d’absorber une partie de la croissance prédite.
- La forme adoptée
par le réseau routier
régional amélioré (voies
séparées,
trafic motorisé seulement) et la vitesse adaptée
(80
km/h) favorisent la sécurité.
- Les noeuds très
fréquentés du réseau
autoroutier sont soulagés.
Les calculs relatifs à un réseau
organisé de cette
façon révèlent que les
bénéfices
(moins de perte de temps, plus grande fiabilité des temps de
déplacement, sécurité
routière)
dépassent largement les coûts (investissements,
coûts environnementaux). L’investissement se
rentabilise en
un petit nombre d’années.
Thème
2. Adaptation de la forme
de la route à sa fonction
Nous avons tous
remarqué que la limite de vitesse change
constamment sur nos routes. La figure ci-après
représente
la vitesse autorisée (maximale) sur une route
régionale
typique, en l’occurrence la N9 Turnhout-Aarschot. On
distingue
clairement le phénomène des limites
‘dansantes’.
D’après des mesures effectuées sur une
centaine de
kilomètres de routes régionales,
l’usager voit la
limite de vitesse changer tous les kilomètres et demi, soit
toutes les 76 secondes.
Il en va de même de la fonction et de la forme de la route.
Autrement dit, fonction, forme et vitesse ne sont pas
synchronisées. Le conducteur doit faire preuve
d’une
vigilance extraordinaire pour se conformer à toutes les
limites
de vitesse en vigueur. Et la moindre inattention est
immédiatement sanctionnée
par les radars automatiques...
En Belgique, fonction, forme et limite de vitesse forment souvent un
ensemble incohérent. De nombreuses routes – la N9
n’en est qu’un exemple parmi bien
d’autres –
remplissent en effet plus d’une fonction. La N9 en combine
trois
: une liaison rapide entre deux villes, le désenclavement
des
quartiers résidentiels et des parcs
d’activités,
enfin l’accès aux parcelles individuelles. Ce
mélange de fonctions suscite de fréquents
conflits entre
les différents usagers, avec à la clé
un risque
d’accident accru.
Le Ruimtelijk Structuurplan Vlaanderen (RSV – plan de
structure
pour l’aménagement du territoire flamand) a
instauré une classification des principales routes de
Flandre.
Malheureusement, pour définir ces catégories, on
est
parti de la forme actuelle de la route plutôt que de la
fonction
qu’elle remplit.
Nous nous retrouvons donc devant un réseau
régional
incohérent, dans lequel la forme et la limite de vitesse
changent sans cesse.
Idéalement, la forme et la limite de vitesse correspondante
doivent être adaptées à la fonction de
la route.
Aux Pays-Bas, c’est la fonction qui définit la
forme de la
route, et dans la mesure du possible, une route ne remplit jamais
qu’une fonction. Le concept, intitulé
‘Duurzaam
Veilig’ (sécurité durable), applique
les principes
de sécurité suivants :
- Fonctionnalité :
un usage fonctionnel évite les
utilisations non conformes à la destination de
l’infrastructure
- Homogénéité
: un usage homogène
prévient les grandes différences de vitesse, de
sens de
déplacement et de nombre de véhicules
- Identifiabilité :
un usage prévisible
prévient les incertitudes chez l’automobiliste qui
participe au trafic.
Nos voisins du Nord ont compris que l’application de ces
principes de ‘sécurité
durable’ contribuait
largement à la sécurité
routière sur leur
réseau.
Thème
3. Limites de vitesse
homogènes et crédibles
Ces dernières années, le monde politique a
donné
la priorité à des limites de vitesse strictes,
ainsi
qu’à un meilleur contrôle de leur
respect. Les
décideurs agissaient d’abord dans un souci de
sécurité. Mais il est permis de
s’interroger : la
sécurité en profite-t-elle vraiment ? Les
nombreuses
modifications ont entraîné un foisonnement de
panneaux de
signalisation et des changements incessants de vitesses limites, qui ne
correspondent pas toujours à la configuration des lieux.
Pour
cette raison, la vitesse limite est souvent perçue comme peu
crédible (voir le thème
précédent). De
plus, des initiatives aux intentions louables se contrecarrent
mutuellement. Les amendements à la réglementation
fédérale, les dérogations
régionales aux
limites de vitesse et les mesures communales suscitent souvent la
confusion et l’incertitude pour l’usager de la
route. Il
suffit de songer aux panneaux de zone (zone 30-50-70) dans certaines
communes. Les limites de vitesse doivent faire l’objet
d’une réflexion cohérente, dans le
cadre de la
classification fonctionnelle des routes, avec les catégories
et
l’aménagement routier qui en résultent.
Les
initiatives politiques isolées sont à proscrire.
Thème
4. Feux de circulation
Les feux de circulation
régissent le trafic aux
carrefours à un niveau. Idéalement, on optimise
en
même temps la capacité et on surveille la
sécurité du trafic. Des objectifs
environnementaux
peuvent également être pris en compte, par exemple
la
limitation des émissions et le nombre
d’arrêts-redémarrages. De
même, la
coordination des feux de circulation entre carrefours successifs (la
vague verte) permet de mieux exploiter la capacité de nos
routes. Dans tous les cas, il est primordial d’adapter le
fonctionnement des feux au type de trafic. Pour cela, il faut
régulièrement mesurer celui-ci, calculer la
régulation optimale et piloter les feux en
conséquence.
Grâce à cette gestion fonctionnelle, les feux de
circulation réagissent aux changements et variations
structurels
dans les flux de véhicules. Dans la pratique, cependant,
nous
constatons que notre pays mobilise trop peu de personnes pour la
gestion fonctionnelle. Le travail n’est pas fait en
profondeur ;
on gaspille des possibilités. Pour ces raisons, nous
continuons
à souffrir de pertes de temps inutiles à chaque
feu
rouge. La création d’une équipe
d’entretien
des feux chargée de la mesure du trafic et de la
régulation des feux (sans oublier la mesure de son impact),
permettrait d’obtenir un bénéfice
social
considérable avec peu de moyens. À
l’étranger, on estime que les initiatives du genre
offrent
un rapport coût-bénéfice de 30
à 80 contre
1.
Thème
5. Travaux routiers
Sur les autoroutes, environ
15% des embouteillages sont
causés par des travaux. Sur 100 km parcourus, 2 le sont en
raison d’une déviation. De bonnes raisons pour
inciter les
gestionnaires du réseau à promouvoir les mesures
‘Nuisances Minimales'. Le monde politique en fait donc une de
ses
priorités. Sur le terrain, cependant, la situation
n’évolue guère :
l’entrepreneur qui
réalise des travaux doit souvent se charger en
même temps
de la signalisation et de l’écoulement du trafic.
Ce
n’est ni sa priorité, ni sa
spécialité. De
plus, la tentation de travailler vite et à bon compte est
parfois si forte que la qualité du
chantier en souffre. Après quelques mois, la route commence
à se dégrader, et il faut de nouveaux travaux,
source de
nouveaux encombrements. Bref, il convient de renforcer le
contrôle de qualité. Pour les travaux
eux-mêmes, ce
contrôle doit être confié à
un organisme
indépendant. Quant à l’organisation du
trafic, elle
pourrait par exemple incomber à une cellule
spécialisée du gestionnaire du réseau.
Thème
6. Bandes
séparées pour les bus
Depuis quelques
années, les bandes
réservées aux bus se multiplient rapidement. Il
est
difficile de nier que les responsables considèrent les
transports publics et la voiture comme des concurrents,
privilégiant les premiers dans le cadre de
l’accessibilité sélective. Les
chercheurs se
demandent d’ailleurs pourquoi une mesure comme la bande
séparée constitue un objectif politique. Il
serait
beaucoup plus logique de chercher à améliorer la
‘fluidité et la ponctualité des
transports en
commun’. La bande séparée
n’est qu’un
des moyens possibles pour y parvenir. Une commission,
constituée
il y a quelques années, décide de la
création des
bandes pour bus, sur la base des arguments avancés par
l’entreprise de transports publics... Le reste du trafic
(voitures, camions...) n’est pas
représenté au sein
de cet organe, qui tranche donc unilatéralement. Il serait
plus
objectif d’analyser les causes des problèmes de
circulation du bus ou du tram. On examinera ensuite les coûts
et
bénéfices des solutions possibles, en
considérant
notamment la fréquence et le taux d’utilisation
des
transports publics, ainsi que l’importance des autres flux de
trafic. Ces données doivent être
mesurées de
façon indépendante et objective, plutôt
que par la
société de transport en commun
concernée. On
pourra ainsi dégager des solutions
bénéfiques pour
toutes les parties. Nous n’en voulons pour exemples que le
réaménagement des carrefours ou les feux de
circulation
intelligents. S’il apparaît néanmoins
que la bande
‘bus’ présente le meilleur rapport
coût-bénéfice, elle sera
réalisée
sous la forme d’une bande ‘de
dépassement’. Le
bus réintégrera la bande normale peu avant le
carrefour.
Cela permettra de ne pas sacrifier de capacité. On pourra
réduire encore l’incidence sur le reste du trafic
en
optant pour des variantes dynamiques, par exemple
une situation dans laquelle la bande pour bus n’est
activée qu’au plus fort des heures de pointe.
Autre
exemple : une bande centrale de type
‘marée’ qui
change de sens entre le matin et le soir, plutôt
qu’une
bande pour bus dans chaque direction. Sur un plan plus structurel, la
préférence doit aller à une
séparation
maximale du réseau ordinaire et des transports en commun :
éloigner les lignes de bus des grands axes pour les
rapprocher
des voies locales, car c’est là que se trouvent
les
usagers (potentiels).
Thème
7. Aménagement des
carrefours
L’aménagement
des carrefours peut influencer
fortement la circulation entrante et sortante. Par
définition,
les carrefours limitent la capacité. Ils
présentent aussi
un important potentiel de conflit. Ces dernières
années,
on a beaucoup investi dans le réaménagement des
carrefours les plus dangereux, mais souvent, cela n’a fait
qu’entraver la fluidité du trafic. Nombreux sont
les
croisements, même relativement peu dangereux, où
l’on constate des incohérences : le type de
carrefour et
son aménagement ne correspondent pas à la
fonction et
à la forme des artères qui y convergent. Une
priorité de droite, par exemple, n’a pas de raison
d’être sur une route où la limite de
vitesse est
supérieure à 50 km/h. De même, il est
fréquent de voir plusieurs villages successifs donner des
interprétations différentes à la
notion de
rond-point. Par ailleurs, a-t-on tenu compte de l’impact des
carrefours sur les émissions ? À cet
égard, le
type de carrefour est déterminant. Selon la
densité du
trafic sur les voies principales et secondaires, le choix de la
solution – feux rouges, rond-point ou place prioritaire
–
conditionne l’importance des pertes de temps et des
émissions. Les graphiques de la page suivante illustrent les
effets des 3 types de carrefour sur les pertes de temps et les
émissions (PM, NOx et CO2). Sur les voies moins importantes,
l’aménagement du carrefour doit correspondre
à la
fonction et au type de route, afin d’éviter les
surprises
à l’usager. Dans cette perspective, on fera appel
aux
seuils et aux déplacements d’axe.
Thème
8. Gestion des incidents
En 2007, les embouteillages
de notre réseau routier ont
causé quelque 32 millions d’heures perdues sur la
route.
La part des embouteillages due aux incidents est estimée
à 24%, soit environ 150 millions d’euros. Il faut
donc
améliorer et étendre considérablement
la gestion
des incidents (IM – Incident Management), surtout sur le
réseau autoroutier. En effet :
- L’IM peut limiter
fortement les effets négatifs des
incidents (files, insécurité,
dégâts
à la route et à
l’environnement).
- La densité
croissante du trafic augmente les risques
d’incident. Lorsqu’un incident survient, les effets
sont
plus importants, car le nombre de véhicules
arrêtés
est plus élevé.
Pour améliorer la situation, il faut adopter une
approche
uniforme sur les grands axes de toutes les régions, en
précisant les responsabilités et les
compétences
des différents intervenants, ainsi que les
priorités en
termes d’assistance. Il convient aussi de désigner
clairement le responsable des opérations sur le site de
l’incident.
Aux Pays-Bas, la réalisation de ces améliorations
a
permis de réduire considérablement les
encombrements dus
aux incidents. Les économies iront de 33 millions
d’euros
en 2009 à 45 millions d’euros en 2020. Des mesures
organisant des exercices conjoints et l’évaluation
des
interventions en cas d’incident peuvent apporter encore 16,5
millions d’euros d’économies par an. Et
les effets
favorables sur la sécurité routière ne
sont
même pas compris dans ces calculs.
Thème
9. Une gestion du trafic
plus dynamique
Ces dernières
années, les autorités
régionales ont investi dans la gestion du trafic.
L’accent
était mis sur les technologies autoroutières,
avec des
panneaux de signalisation dynamiques et des techniques de
détection avancées. Le but était de
limiter les
files, de mieux exploiter la capacité (voire de
l’augmenter) et de prévenir les accidents.
Pourtant, ces
investissements restent concentrés en des endroits
spécifiques. La région bruxelloise, par exemple,
n’est guère concernée.
Quant à l’impact de ces technologies, il reste
à
évaluer. On n’a jamais quantifié la
réduction des embouteillages ou du nombre
d’accidents.
Les mesures sont cependant indispensables pour évaluer la
politique, améliorer les pratiques existantes en
connaissance de
cause et lancer de nouvelles initiatives. Comme le dit le langage
populaire, 'on attend de voir '.
Les autorités font pourtant preuve d’ambition dans
le
cadre du programme de gestion dynamique du trafic. À juste
titre, du moins en partie : la coordination à grande
échelle du dosage du trafic a fait ses preuves à
l’échelle internationale, mais les
autorités belges
n’en ont pas (encore) vraiment pris conscience.
D’autre
part, il existe des attentes auxquelles la gestion dynamique du trafic
ne peut répondre : d’aucuns soutiennent par
exemple
qu’il est inutile de compléter
l’infrastructure au
niveau des points noirs, la gestion dynamique devant tout
résoudre. Il faut comprendre que la gestion dynamique est un
instrument pour réguler un réseau routier bien
structuré, doté d’une
capacité tampon (voir
aussi le thème 1). Il ne s’agit en aucun cas
d’un
palliatif pour remédier aux lacunes du réseau.
Thème
10. Fluidité du
trafic autoroutier
Sur nos autoroutes, les
embouteillages structurels
s’intensifient d’année en
année. Pourtant,
les problèmes structurels sont à peine
abordés.
Bien que l’amélioration de
l’accessibilité
figure dans tous les programmes politiques, la prévention
des
files structurelles ne constitue pas un objectif
opérationnel
clair, reposant sur des actions concrètes.
Après analyse des principaux points noirs de notre
réseau, on constate que de petits
réaménagements
de la configuration suffiraient parfois pour améliorer
grandement la fluidité la circulation. En certains endroits,
le
seul fait de repeindre les marquages routiers apporterait un gain
notable.
Les chercheurs proposent d’analyser
systématiquement
les endroits problématiques structurels,
d’identifier sur
cette base une solution à privilégier, pour
ensuite la
mettre en oeuvre par des mesures et modifications graduelles
d’amélioration de la circulation.