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POUR UNE AMÉLIORATION DE L’ENREGISTREMENT DES ACCIDENTS IMPLIQUANT LES DEUX-ROUES (NOVEMBRE 2010)

Les conducteurs de deux-roues sont vulnérables. Depuis quelques années, le nombre d’accidents dans lesquels ils sont impliqués semble reculer moins vite que ceux qui concernent les autres catégories d’usagers de la route. Pour comprendre cette évolution, des statistiques précises sur les accidents qui impliquent des deux-roues sont nécessaires. C’est exactement ce qui fait défaut actuellement.

Publiées par l’Institut Belge de la Sécurité Routière (IBSR), les statistiques officielles des accidents accusent deux ans de retard sur la réalité. De plus, certains facteurs pertinents ne sont pas pris en compte dans l’analyse des accidents de moto, ce qui interdit toute conclusion valable quant à leurs causes. Selon la seule étude européenne approfondie des accidents de moto – l’étude MAIDS de 2000 – la moitié des accidents sont dus en premier lieu à une erreur humaine dans le chef de l’automobiliste. La circonstance la plus courante (70%) est celle où le conducteur ne remarque pas – ou trop tard – le motocycliste. En Belgique, ce facteur n’est même pas examiné ! Les statistiques par catégorie d’âge n’établissent aucune corrélation avec la formation à la conduite suivie (ou non), ni avec le type de permis, ni avec l’expérience de la victime. FEBIAC demande un meilleur enregistrement des accidents afin pouvoir prendre des mesures correctes sur cette base. Une chose est néanmoins certaine : plus il possède d’expérience, moins le motocycliste risque d’être impliqué dans un accident. FEBIAC demande donc une intervention financière en faveur d’une formation approfondie à la conduite de la moto.


Baisse du nombre de morts et de blessés dans les accidents de moto

Les chiffres les plus récents fournis par le SPF Économie et l’IBSR datent de 2008. Par rapport à 2007, on constate une évolution favorable :

  • Le nombre de décès baisse de 20,58% (108 en 2008 contre 136 en 2007) 
  • Le nombre de blessés graves diminue de 9% (768 en 2008 contre 844 en 2007)
  •  Le nombre de blessés légers augmente légèrement de 3,35% (3 298 en 2008 contre 3 191 en 2007).

Une progression d’autant plus favorable que le parc total de véhicules s’est accru de 3,45% entre 2007 et 2008 (384.310 véhicules motorisés à deux, trois et quatre roues). Durant cette même période, le nombre de kilomètres parcourus est passé de 1,30 à 1,32 milliard. Entre 1991 et 2007, le nombre de kilomètres parcourus par l’ensemble des motards a grimpé de 169%. Chez les motocyclistes, le risque d’accident par voyageur-kilomètre a donc chuté de moitié, voire plus, en 15 ans. Pourtant, les motocyclistes restent des usagers faibles et vulnérables. On doit d’ailleurs s’attendre à une nouvelle augmentation du nombre de scooters et de motos en circulation dans les années à venir, raison de plus pour suivre attentivement tout ce qui concerne ce groupe d’usagers.

La déficience de l’enregistrement des accidents en Belgique

Publication tardive des chiffres
L’IBSR le confirme : Les statistiques officielles belges des accidents de la route étaient gérées jusqu’à cette année par la direction générale statistique et information économique du SPF Économie. Chaque année, l’IBSR analyse en détail les données que le SPF Économie lui communique. Hélas, la validation des statistiques d’accidents par le SPF Économie demande énormément de temps. Ainsi, si l’on se fie au timing de ces dernières années, les données de 2009 ne devraient être publiées qu’en juin 2011 ! FEBIAC juge inacceptable ce retard de 18 mois.

Actuellement, le SPF Économie se trouverait dans une période de transition en ce qui concerne l’analyse des chiffres d’accidents. Il est possible qu’à partir de cette année, l’IBSR analyse les données qui lui sont directement communiquées par la police. Dans ce cas, les résultats de l’année 2009 devraient être exploitables plus rapidement, peut-être dès l’automne 2010.

Paramètres analysés insuffisants
La banque de données des statistiques d’accidents ne nous renseigne pas sur le type de permis de conduire en possession des personnes et des conducteurs impliqués. Le SPF Mobilité étant toujours en cours de mise au point de la banque-carrefour des permis de conduire, il n’est donc pas possible de consulter cette source actuellement. Suivant les informations que l’IBSR reçoit du SPF Mobilité, il faudra encore au moins quelques années avant que cette liaison ne devienne réalité. Aujourd’hui, il est par conséquent impossible de se prononcer à partir de chiffres objectifs sur l’impact éventuel des motocyclistes qui n’ont pas suivi de formation propre à la moto ni passé d’examen spécifique. Pour rappel, c’est seulement en 1989 que le permis moto obligatoire a été instauré. Les motocyclistes de plus de 40 ans qui n’ont pas dû subir cet examen sont-ils plus souvent impliqués que les autres dans les accidents ? On l’ignore. Au cours de l’année écoulée, le nombre de scooters jusqu’à 125cc a augmenté (+ 5% de part de marché en plus, soit 36,24% du total des immatriculations de véhicules neufs). Après 2 ans d’expérience au volant d’une voiture, le titulaire d’un permis B peut aussi conduire un scooter 125 cc. En cas d’accident, il serait utile de savoir s’il existe un lien entre ces données. Dans un rapport de 2007, l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) français indiquait déjà que les 125cc couraient deux fois moins de risques de se retrouver impliqués dans un accident que les motos plus puissantes. Les chiffres de l’IBSR ne distinguent que les accidents impliquant les véhicules en dessous et au-dessus de 400 cc (systématiquement appelés ‘grosses cylindrées’). Une analyse plus détaillée s’impose. FEBIAC propose donc une confrontation avec la banque de données DIV pour dresser un tableau précis des types de motos (avec cylindrée) et identifier les éventuelles corrélations avec le risque d’accident. Le rapport sur les deux-roues motorisés de l’Observatoire européen de la sécurité routière (European Road Safety Observatory, ERSO 2008) constate que l’âge exerce une influence sur les risques d’accident, en particulier chez les jeunes, mais il ne permet pas de savoir avec certitude si c’est bien l’âge qui est en cause, ou le manque éventuel d’expérience. D’après l’étude européenne MAIDS, le motocycliste expérimenté constitue moins souvent la cause primaire de l’accident.

MAIDS : analyse de 2000 variables par accident
Après des années d’absence d’informations scientifiques sur les causes des accidents de moto, le rapport MAIDS (Motorcycle Accidents In Depth Study) sert de base au développement de mesures efficaces qui feront baisser le nombre de victimes. Cette étude sur les accidents de moto et de vélomoteur a été réalisée durant la période 1999-2000 en France, Allemagne, Italie, Pays-Bas et Espagne. Au total, 921 accidents ont été étudiés sur place, suivant environ 2000 critères. On a reconstitué les faits, interrogé les témoins, étudié les véhicules et analysé les données médicales. MAIDS est une initiative de l’ACEM (Association des constructeurs européens de motocycles), avec le soutien de la Commission européenne et de divers instituts de recherche. L’étude avait pour but de mieux comprendre et d’améliorer, si possible, les aspects liés à la sécurité de ce moyen de transport précieux.

Les principaux résultats de l’étude MAIDS :
1) Dans 50% des cas, la cause principale de l’accident se situe dans une erreur humaine de la part d’un automobiliste. La circonstance la plus courante (70%) est celle où le conducteur ne remarque pas – ou trop tard – le motocycliste. Cela peut s’expliquer de différentes façons : manque de vigilance du conducteur de la voiture, obstacles limitant la vue, faibles dimensions de la moto (moins visible dans le trafic), vitesse du deux-roues difficile à estimer.

2) Dans 37% des cas, l’accident est imputable à une erreur humaine dans le chef du motocycliste : manque d’attention ou aptitudes insuffisantes. Les chercheurs notent que la conduite de la moto nécessite certaines compétences qui dépassent les exigences de l’examen pratique du permis. Il arrive aussi que le motocycliste ne voie pas l’autre véhicule ou prenne une décision erronée (action inadéquate pour éviter l’accident). Une réaction inappropriée du motocycliste intervient dans 13% de tous les accidents.

3) La vitesse, avant l’accident comme au moment de l’impact, est généralement (70%) inférieure à 50 km/h. Les accidents causés par une vitesse excessive sont relativement rares. Seuls 18% des accidents se produisent à une vitesse clairement inférieure ou supérieure à celle du trafic environnant.

4) Les accidents impliquant des voitures de tourisme sont les plus fréquents (60%). Deuxième cause importante : l’infrastructure routière, qu’il s’agisse d’un accident impliquant le seul motocycliste ou d’une tentative d’éviter la ollision avec un autre véhicule.

5) Dans moins de 1% des situations, la moto présente des problèmes techniques (le plus souvent au niveau des pneus). D’après l’étude MAIDS, 3,6% des accidents de moto mettent en cause le mauvais entretien des routes ou une infrastructure mal adaptée aux conducteurs de deux-roues. En Belgique, ces facteurs pèsent peut-être plus lourd qu’ailleurs en raison de l’état de notre réseau.

Améliorer la sensibilisation et encourager la formation volontaire par des incitants financiers
Les motocyclistes titulaires d’un permis B délivré avant le 1/01/1989 sont dispensés de l’examen pratique. Cependant, ces personnes, tout comme les plus jeunes soumis à l’examen, ont intérêt à suivre une formation complémentaire pour affûter leurs compétences. Quoi qu’il en soit, les statistiques d’accidents ne permettent pas de savoir si le mode d’obtention du permis de conduire exerce une quelconque influence sur le nombre d’accidents.

Une certitude cependant : plus il possède d’expérience, moins le motocycliste risque d’être impliqué dans un accident. Pourtant, la solution ne réside sans doute pas dans des formations obligatoires. Tous les centres de formation contactés par FEBIAC plaident en faveur d’une meilleure sensibilisation. Chaque année, quelques milliers de motocyclistes suivent une formation. Leur nombre reste stable depuis quelques années. Nous craignons cependant une baisse de fréquentation : début août, il a été décidé que les chèques-formation seraient désormais réservés aux travailleurs désirant suivre une formation pour améliorer leurs chances sur le marché du travail. Dans ce cadre, les formations qui commencent à partir du 1/8/2010 ne pourront plus être payées avec les chèques que s’il s’agit de formations professionnelles reconnues dans le régime du congé éducation payé. Autrement dit, les chèquesformation ne seront plus acceptés dans les formations moto. Le SPF Économie et Travail n’est pas le service public le plus à même de soutenir ces formations à la sécurité ; Hilde Crevits (au niveau flamand) et le secrétaire d’État démissionnaire Etienne Schouppe devraient prendre leurs responsabilités sur ce plan. Une baisse de la TVA et 21 à 6% représenterait un important stimulant. FEBIAC réitère sa demande d’une intervention financière dans une formation moto complète, et souhaite participer à une large sensibilisation dans ce sens, en collaboration avec l’IBSR.

Sources :
- Statistiques FEBIAC sur le parc
- IBSR, Observatoire de la sécurité routière, rapports thématiques motocyclistes 2002007, publié en 2009, http://bivvweb.ipower.be/Observ/NL/motorrijders_nl.pdf
- IBSR, Observatoire de la sécurité routière, Statistiques de la sécurité routière 2008, publié en 2010, http://bivvweb.ipower.be/Observ/NL/Statistieken%20verkeersveiligheid%202008_NL.pdf
- ACEM, étude MAIDS, 2008, http://www.maids-study.eu/

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